Avis de tempête sur le climat

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°576 Juin/Juillet 2002Par : Les enquêtes de Marie-Odile Monchicourt avec Robert Kandel (Du Laboratoire de Météorologie dynamique de l’École polytechnique).Rédacteur : Jean-Louis BOBIN (54)

Les 26 et 27 décembre 1999, deux oura­gans comme on n’en avait pas vu de mémoire d’homme rava­geaient la France, le pre­mier au nord, le second au sud. Qui ne s’est à l’époque posé la ques­tion : et si c’était de notre faute à nous, l’espèce humaine ? Certes, on avait déjà attri­bué des ano­ma­lies du cli­mat aux inven­tions (guer­rières) de l’humanité. La bombe ato­mique comme… la bom­barde ont été ain­si en leur temps mises en examen.

Qu’en est-il aujourd’hui, alors qu’au cours du der­nier demi-siècle nos connais­sances sur l’atmosphère, sa consti­tu­tion et sa dyna­mique se sont consi­dé­ra­ble­ment accrues ? Chro­ni­queuse scien­ti­fique appré­ciée des audi­teurs de Radio France, Marie-Odile Mon­chi­court a déci­dé de mener l’enquête. Et, comme dans toute affaire poli­cière, elle va inter­ro­ger un témoin. Pour lui extor­quer des aveux ? un peu vers la fin ; mais sur­tout pour lui faire dire dans un lan­gage acces­sible à tous quels sont les faits, leurs causes pré­su­mées, leur enchaî­ne­ment et leurs consé­quences probables.

Robert Kan­del, cli­ma­to­logue de répu­ta­tion inter­na­tio­nale, s’est prê­té à ce jeu. Sou­mis à la ques­tion, il démonte en termes simples le méca­nisme qui, grâce à l’apport d’énergie du rayon­ne­ment solaire, main­tient en équi­libre ther­mique notre vais­seau spa­tial, la Terre. Il explique au pas­sage le cycle de l’eau, l’effet de serre et l’effet para­sol. Puis, il nous fait recon­naître les indices d’un chan­ge­ment en cours : ampleur inusi­tée à la fin du XXe siècle du phé­no­mène connu sous le nom d’El Nino, aug­men­ta­tion de la teneur de l’atmosphère en CO2 depuis les débuts de l’ère indus­trielle, réchauf­fe­ment faible mais avé­ré ; après avoir long­temps stag­né, la tem­pé­ra­ture moyenne de la Terre s’est éle­vée de 0,5 °C entre 1975 et aujourd’hui.

Peut-on alors iden­ti­fier des cou­pables ? Au banc des accu­sés figurent : l’activité solaire, le vol­ca­nisme et le déve­lop­pe­ment des socié­tés humaines qui entraînent une consom­ma­tion inten­sive de com­bus­tibles fos­siles, gigan­tesque pour­voyeuse de gaz à effet de serre. Mais pour pro­non­cer un juge­ment, l’information manque. Le cli­ma­to­logue modé­lise avec ses connais­sances du moment. La capa­ci­té des plus puis­sants ordi­na­teurs dis­po­nibles est encore insuf­fi­sante. Les pré­dic­tions sont incer­taines. Il existe cepen­dant des mesures à prendre pour évi­ter le pire qui serait une évo­lu­tion incon­trô­lée du cli­mat. La prin­ci­pale est de bon sens : dimi­nuer une consom­ma­tion irres­pon­sable de com­bus­tibles fossiles.

En cin­quante pages, l’essentiel est expo­sé, les cer­ti­tudes comme les incer­ti­tudes, et le lec­teur dis­pose d’une infor­ma­tion expri­mée sans for­mules dans un style clair et ren­du vivant par le jeu des ques­tions et réponses. C’est du conden­sé mais vali­dé par la qua­li­té de l’expert interrogé.

Ce petit livre fait par­tie d’une récente série de fas­ci­cules bon mar­ché, tous bâtis sur le même modèle. Ils visent à faire, sous la forme d’une enquête ron­de­ment menée par Marie-Odile Mon­chi­court auprès d’un cher­cheur à la com­pé­tence recon­nue, le tour d’un sujet de science ou de tech­nique asso­cié à des pro­blèmes de socié­té. Les ques­tions sont ins­pi­rées par les igno­rances, les enthou­siasmes ou plus sou­vent les craintes du citoyen lamb­da. C’est à ce der­nier que la série est des­ti­née même si le scien­ti­fique loin de son domaine d’expertise peut y trou­ver son compte.

En résu­mé, voi­ci une entre­prise ori­gi­nale de popu­la­ri­sa­tion de la science à recom­man­der autour de soi.

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