Aux portes de l’espace

Dossier : Dossier FFEMagazine N°700 Décembre 2014
Par David QUANCARD (80)

En quoi consiste l’activité de la division Moteurs spatiaux de Snecma ?

Nous sommes en pre­mier lieu res­pon­sables de la pro­pul­sion cryo­tech­nique d’Ariane 5 ECA, fonc­tion­nant à l’hydrogène et à l’oxygène liquides. Il s’agit de la pro­pul­sion de l’étage prin­ci­pal et de l’étage supé­rieur de ce lanceur.

Nous avons l’autorité tech­nique sur l’ensemble pro­pul­sif de cha­cun de ces étages, c’est-à-dire des fonc­tions de l’étage (pres­su­ri­sa­tion des réser­voirs, com­mande, …) qui par­ti­cipent à la propulsion.

Nos pro­duits emblé­ma­tiques sont le moteur Vulcain®2, d’une pous­sée de 135 tonnes dans le vide, et le moteur HM7B d’une pous­sée de 6,5 tonnes dans le vide.

Ce der­nier a été uti­li­sé sur Ariane depuis le 1er vol en 1979. Mais nous pro­dui­sons ou nous assu­rons la maî­trise d’œuvre d’autres équi­pe­ments des ensembles pro­pul­sifs des étages.

Nous déve­lop­pons éga­le­ment un nou­veau moteur cryo­tech­nique d’étage supé­rieur, le moteur Vin­ci, d’une pous­sée de 18 tonnes, ini­tia­le­ment des­ti­né à une nou­velle ver­sion d’Ariane 5 mais qui a éga­le­ment été rete­nu pour Ariane 6.

En dehors de la pro­pul­sion du lan­ceur qui per­met de mettre les satel­lites sur une orbite de trans­fert, nous conce­vons et réa­li­sons des moteurs de satel­lites à plas­ma sta­tion­naire (moteurs élec­triques uti­li­sant l’effet Hall) qui leur per­mettent de pas­ser de l’orbite de trans­fert à leur orbite défi­ni­tive, puis de se main­te­nir sur cette dernière.

Cette acti­vi­té n’a pas la taille de la pro­pul­sion Ariane mais elle en est le complément.

Quels sont les enjeux de la propulsion cryotechnique ?

La pro­pul­sion des lan­ceurs est un élé­ment essen­tiel de l’indépendance de l’accès à l’Espace. Ariane a per­mis à l’Europe de cas­ser le mono­pole amé­ri­cain et de pou­voir accé­der aux appli­ca­tions satel­lites, qu’elles soient civiles ou mili­taires. C’est un élé­ment de sou­ve­rai­ne­té essentiel.

La pro­pul­sion- fusées à liquides, dont la pro­pul­sion cryo­tech­nique, consti­tue un apport de sou­plesse et de per­for­mance incon­tour­nable. Elle a été majeure dans le suc­cès d’Ariane et dans sa pré­ci­sion d’injection en orbite.

Les états euro­péens, au pre­mier rang des­quels la France avec le CNES, ont depuis plus de 30 ans constam­ment sou­te­nu cette filière qui est aujourd’hui au meilleur niveau mon­dial. En Europe, la com­pé­tence com­plète en pro­pul­sion cryo­tech­nique revient à Snecma.

Depuis les débuts d’Ariane, où le HM7 était déjà en service, quelles sont les principales évolutions ?

Nos pro­grès résident d’une part dans tous les modèles, ther­miques, méca­niques et fonc­tion­nels que nous avons mis au point depuis des décen­nies, d’autre part dans les concepts tech­niques, les maté­riaux et les procédés.

© Snec­ma, Eric Forterre

Les modèles modernes per­mettent de conce­voir plus rapi­de­ment et de com­pa­rer un grand nombre de défi­ni­tions alter­na­tives. Le moteur HM7 est à l’image des tech­no­lo­gies des années 60. Un pre­mier cap a été fran­chi avec les moteurs Vul­cain qui ont la tech­no­lo­gie des années 90.

Depuis, nous avons démon­tré avec le pro­gramme Vul­cain X, que nous étions capables de réduire for­te­ment les coûts, à iso per­for­mance. Par exemple nous avons construit et essayé la TPX, une tur­bo­pompe hydro­gène de la gamme Vul­cain, qui contient deux fois moins de pièces que sa grande sœur la Tur­bo­pompe hydro­gène du moteur Vul­cain 2.

Moins de pièces c’est une fia­bi­li­té encore amé­lio­rée et c’est aus­si le gage d’une réduc­tion de coût, essen­tielle dans un contexte très com­pé­ti­tif pour les lanceurs.

Les ensembles pro­pul­sifs futurs seront éga­le­ment plus faciles à mettre en œuvre, notam­ment grâce à une plus grande, voire totale, élec­tri­fi­ca­tion des sys­tèmes de com­mande qui sont aujourd’hui pneumatiques.

Comment préparez-vous l’avenir ?

A la fin de la décen­nie, nous allons faire voler le moteur Vin­ci®, suc­ces­seur du moteur HM7. Il apporte davan­tage de pous­sée, de per­for­mance mais aus­si et sur­tout la capa­ci­té de ral­lu­mage qui est une néces­si­té pour beau­coup de mis­sions, notam­ment pour la mise en orbite de satel­lites à pro­pul­sion tout électrique.

EN BREF

Motoriste aéronautique majeur au niveau mondial, Snecma (Safran) est également le maître d’œuvre de la propulsion cryotechnique d’Ariane.
À Vernon, où les activités de propulsion-fusée ont débuté en 1947, sa division Moteurs spatiaux regroupe aujourd’hui un ensemble de compétences unique en Europe.
Depuis 2006, le site a en outre repris les activités de propulsion électrique des satellites.

Mais nous sommes déjà, avec le sou­tien du CNES, en train de pré­pa­rer les tech­no­lo­gies de son suc­ces­seur, qui s’appellera peut-être Vin­ci 2. Ce moteur fera sans doute lar­ge­ment appel à la fabri­ca­tion additive.

Le moteur Vulcain®2 va connaître, pour sa part, d’ici la fin de la décen­nie, quelques évo­lu­tions pour Ariane 6 mais nous dis­po­sons déjà du concept et des tech­no­lo­gies d’un Vulcain®3 qui appor­te­ra de sen­sibles réduc­tions de coût, et des amé­lio­ra­tions de performances.

En ce qui concerne la pro­pul­sion des satel­lites, la révo­lu­tion est déjà en marche. À ce jour la pro­pul­sion élec­trique est encore peu pré­sente sur les satel­lites géostationnaires.

Mais les opé­ra­teurs sont à pré­sent convain­cus de l’intérêt des satel­lites tout élec­triques et la demande pour les pro­pul­seurs cor­res­pon­dants est forte.

Nous sommes en train de déve­lop­per le moteur PPS®5000 qui répon­dra à tous ces besoins. Ce moteur a déjà été sélec­tion­né par plu­sieurs maîtres d’œuvre au vu des résul­tats d’essais de démonstrateurs.

Quel est le rapport entre vos activités de propulsion fusée et les moteurs aéronautiques qui représentent la grande majorité de l’activité du groupe ?

Nos tech­no­lo­gies de base sont très proches et il y a une vraie syner­gie entre l’aéronautique et le spa­tial. À tel point que le site de Ver­non, qui est le site his­to­rique de la grosse pro­pul­sion à liquides spa­tiale, est à pré­sent très impli­qué dans les acti­vi­tés aéro­nau­tiques : nous inter­ve­nons en pro­duc­tion de pièces com­plexes de moteurs aéro­nau­tiques, en mon­tage et ins­tru­men­ta­tion de machines aéro­nau­tiques expé­ri­men­tales, en concep­tion et définition.

Le recrutement est-il un problème pour votre activité ?

Nous avons deux atouts pour recru­ter : d’une part faire par­tie de Safran qui est un très beau groupe de haute tech­no­lo­gie, en crois­sance et qui offre de réelles oppor­tu­ni­tés de mobi­li­té pro­fes­sion­nelle, d’autre part avoir un domaine d’activité qui fait rêver et qui est donc attractif.

Pour un jeune ingé­nieur, tra­vailler sur nos pro­duits, avec les méthodes du spa­tial est très for­ma­teur et l’enthousiasme est pré­sent, par­ti­cu­liè­re­ment à chaque lancement.

En outre, nous tra­vaillons dans un envi­ron­ne­ment pri­vi­lé­gié, dans une forêt à une heure de Paris.

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