André TURCAT (40), élève de l'Ecole polytechnique en Grand Uniforme

André Turcat (40) pilote d’essai

Dossier : TrajectoiresMagazine N°715 Mai 2016Par : Jacques Bouttes (52), ancien président de l’AX

Né le 23 octobre 1921 à Mar­seille, André Tur­cat est décé­dé à l’âge de 94 ans le 4 jan­vier der­nier à Beau­re­cueil, près d’Aix-en-Provence. Il res­te­ra à tout jamais le pion­nier, le pilote d’essai, l’homme du Concorde, ce « bel oiseau blanc » qu’il défen­dra jusqu’au bout.

Le pilote d’es­sai du Concorde, et aupa­ra­vant du Ger­faut et du Grif­fon, s’est éteint à l’âge de 94 ans.

À la sor­tie de l’X, en 1942, André Tur­cat rejoint l’Armée de l’air – mais ne fait son bap­tême de l’air qu’en 1945 ! Bre­ve­té en 1947, il accom­plit de nom­breuses mis­sions sur C47, notam­ment en Indochine.

Au cours d’un pas­sage à Bré­ti­gny-sur-Orge pour une grande visite de son avion, en 1950, il lui est pro­po­sé de deve­nir pilote d’essai au centre d’essai en vol (CEV). Il accepte.

En 1952 il prend paral­lè­le­ment la direc­tion de l’EPNER, École du per­son­nel navi­gant d’essais et de récep­tion. Sa car­rière se pour­suit en 1954 à Nord Avia­tion, où il est char­gé des essais du Ger­faut puis du Grif­fon, pro­to­types devant pré­pa­rer les futurs inter­cep­teurs de l’Armée de l’air que seront les Mirages de Das­sault Aviation.

Il éta­blit alors de nom­breux records. Celui dont il était le plus fier était, en 1959, le record du monde de vitesse en cir­cuit fer­mé sur 100 km, sur Grif­fon II (1 643 km/h), qui lui vaut le tro­phée Har­mon remis par Richard Nixon, alors vice-pré­sident des États-Unis.

DE NORD AVIATION À SUD AVIATION

En 1962, André Tur­cat est embau­ché à Sud Avia­tion (direc­teur adjoint puis direc­teur des essais en vol) pour s’occuper d’abord de la mise au point de l’atterrissage auto­ma­tique (aux ins­tru­ments) sur Cara­velle, puis du déve­lop­pe­ment du supersonique.

C’est la grande aven­ture tech­no­lo­gique fran­co-bri­tan­nique qui condui­ra au Concorde, dont il sera le pilote d’essai en chef – et qui pré­pa­re­ra le déve­lop­pe­ment d’Airbus.

Le tra­vail sur Concorde lui vau­dra un second tro­phée Har­mon en 1970, avec son alter ego bri­tan­nique Brian Trubshaw.

ENGAGEMENT POLITIQUE, INTELLECTUEL ET SPIRITUEL

S’il prend sa retraite en 1976, André Tur­cat ne reste pas inac­tif. La poli­tique l’appelle. Conseiller pour les affaires indus­trielles et les tech­no­lo­gies de pointe au RPR, il est adjoint au maire de Tou­louse de 1971 à 1977 puis dépu­té au Par­le­ment euro­péen de 1980 à 1981.

Il se pré­oc­cupe tou­jours de l’avenir du domaine aéro­spa­tial en France et, avec d’autres res­pon­sables de cette indus­trie, il fonde notam­ment en 1983 l’Académie de l’air et de l’espace.

Il se tourne alors vers la spi­ri­tua­li­té, deve­nant doc­teur ès lettres en sou­te­nant une thèse sur l’art chré­tien en 1990, et plus tard s’inscrivant à la facul­té de théo­lo­gie de Strasbourg.

UN HOMME DE CULTURE ET DE CONVICTIONS

À côté de ce grand ingé­nieur et pilote, André Tur­cat était un homme de grande culture et de fortes convic­tions. En 2005, sol­li­ci­té pour contri­buer à la réa­li­sa­tion d’un dos­sier de La Jaune et la Rouge sur l’aviation civile, il a accep­té et m’a deman­dé de faire la recen­sion de l’un de ses livres.

Un peu éton­né, j’acceptai : il s’agissait de l’histoire d’un sculp­teur fran­çais qui avait vécu en Espagne au temps de l’Inquisition (l’objet de sa thèse de doctorat).

J’ai com­pris alors l’étendue des talents d’André Tur­cat, que j’avais per­çus en lisant son article « Formes, forces, beau­té » (La Jaune et la Rouge n° 607, août-sep­tembre 2005).

LES MÉMOIRES D’UN PILOTE D’ESSAI

André Tur­cat était éga­le­ment l’auteur de mémoires : Pilote d’essais : Mémoires et Pilote d’essais : Mémoires II (Édi­tions Le Cherche-Midi). On y retrouve toutes ses aven­tures comme pilote de DC3 en Indo­chine, puis comme pilote d’essai de Ger­faut et de Grif­fon puis de Concorde, et son sou­ci de la rigueur dans ses actions techniques.

Ce qui frappe, dans ses récits, c’est l’esprit d’équipe qui l’anime, et qui se retrouve dans toutes les équipes de pion­niers. Il rap­pelle le rôle des épouses de ceux qui font un métier dan­ge­reux : elles sont un fac­teur d’équilibre essentiel.

Il explique l’importance du détail et de l’analyse fine, et son sou­ci constant de com­pré­hen­sion des phé­no­mènes qu’il observe. Il montre l’obligation, pour les pilotes d’essai, d’être capable de prendre des déci­sions rapidement.

Il a aus­si uti­li­sé ce talent dans sa vie en sai­sis­sant rapi­de­ment les oppor­tu­ni­tés qui lui étaient proposées.


LA FOI EN L’IMMORTALITÉ

Dans le der­nier cha­pitre du tome II de ses Mémoires, André Tur­cat exprime ses convic­tions reli­gieuses : « Au-delà des atteintes de la rai­son pure mais sans la contre­dire, je crois en un Dieu vivant, aimant sa créa­ture et l’attendant au “der­nier virage” comme je me suis sou­vent annon­cé en tour de piste, un Fils Christ (= oint comme un roi), incar­né et intem­po­ré, dont nous connais­sons l’histoire et dont nous savons et res­sen­tons la pré­sence par Son Esprit dit “conso­la­teur”.

Et, en fin de compte, oui, cher inter­lo­cu­teur ou lec­teur, je suis croyant en l’éternité intem­po­relle et bien­heu­reuse de ceux qui ne refu­se­ront pas ce bon­heur, parce que même si notre enve­loppe doit fina­le­ment pour­rir, nous sen­tons bien que quelque chose en nous est immor­tel, et pas comme un Académicien. »


Dans son tome II, André Tur­cat raconte en toute humi­li­té quelques-unes des erreurs qu’il a com­mises et montre par là que le pilote le plus expé­ri­men­té n’est pas à l’abri de petites défaillances. Il s’émerveille devant la beau­té de l’univers contem­plé durant les vols à haute alti­tude et lors des voyages dans le monde entier.

Mais son der­nier cha­pitre ramène à la spi­ri­tua­li­té : André Tur­cat est convain­cu que l’amour est essen­tiel pour don­ner du sens à la vie. « L’amour est invi­sible comme l’est l’attraction uni­ver­selle », affirme-t-il.

Nous voyons, der­rière le pilote renom­mé, un homme d’une grande pro­fon­deur et un poète sachant trans­mettre ses émotions.

André Tur­cat était grand offi­cier de la Légion d’honneur et grand-croix de l’ordre natio­nal du Mérite, et éga­le­ment com­man­deur de l’ordre de l’Empire britannique.

L'avion Gerfaut
Le Ger­faut

L'avion Griffon
Le Grif­fon

André TURCAT (40) sur Concorde

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