Siège de Google

Aider les start-ups technologiques

Dossier : Open innovationMagazine N°722 Février 2017
Par Alexandre MARTINELLI

Main­te­nant que l’ère numé­rique s’at­taque au com­merce B2B, l’a­gi­li­té des start-ups n’est plus suf­fi­sante pour qu’elles s’im­posent seules sur les mar­chés. Parce qu’elle veulent gar­der leur indé­pen­dance, de nou­velles formes d’ac­com­pa­gne­ment se déve­loppent entre start-ups et grands groupes.

Avant, je pen­sais qu’innover, c’était avoir des idées. Ça, c’était avant. C’était avant d’être au cœur de l’écosystème inno­vant et de com­prendre qu’en fait les idées, même les bonnes idées, n’avaient aucune valeur : toute la valeur réside dans la capa­ci­té d’exécution.

En 1994, deux ingé­nieurs en infor­ma­tique de Stan­ford inventent le pre­mier moteur de recherche, Yahoo ! 

“ Dans l’innovation ce n’est pas l’idée qui a une valeur, mais son exécution ”

Quand Google est créé quatre ans après, Yahoo ! est le moteur de recherche le plus popu­laire chez les inter­nautes. Pour­tant, on connaît la suite : fin 2016, c’est Google qui domine le mar­ché des moteurs de recherche (93 %) et Yahoo ! atteint à peine 2,2 %.

L’innovation ferait-elle men­tir La Fon­taine : Rien ne sert de cou­rir… ?

REPÈRES

La création d’un produit est très souvent vouée à l’échec. Ainsi, les chiffres montrent que 95 % des produits ou start-ups meurent par manque de clients (étude OCTO Technology).
Cela se traduit par une rentabilité modeste du capital-risque : en France, les fonds de capital-risque ont dégagé une plus-value annuelle moyenne nette de 2,1 % sur la période 2004–2014 (étude AFIC).

 
EXPLOITER LA DONNÉE EST CAPITAL POUR L’INNOVATION

Déve­lop­per de l’innovation tech­no­lo­gique, c’est uti­li­ser la don­née, et trou­ver son mar­ché au bon moment. En fait, c’est déve­lop­per ité­ra­ti­ve­ment, avec agi­li­té et en cycle court, un pro­duit cen­tré sur l’utilisateur et répon­dant à un pro­blème de marché. 

C’est aus­si et sur­tout lan­cer un ser­vice inno­vant sur le mar­ché au bon moment, c’est-à-dire quand les clients sont suf­fi­sam­ment matures pour l’adopter.

C’est enfin maî­tri­ser de la don­née : le numé­rique implique pour les entre­prises d’être capables de col­lec­ter un volume crois­sant de don­nées et d’en tirer par­ti pour amé­lio­rer leur pilo­tage stra­té­gique, leur per­for­mance com­mer­ciale et leur effi­ca­ci­té opérationnelle. 

LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE VA S’ÉTENDRE AUX MARCHÉS B2B

Depuis que nous sommes entrés dans l’ère numé­rique (sché­ma­ti­que­ment depuis l’invention de l’iPhone), énor­mé­ment de start-ups ont tiré par­ti des tech­no­lo­gies Web et mobile pour « ube­ri­ser » cer­tains modèles éco­no­miques, mais les mar­chés grand public (B2C : busi­ness to consu­mer) res­taient les prin­ci­paux mar­chés concernés. 

LES APPORTS D’UN GRAND GROUPE

Les grands groupes peuvent apporter deux choses à une start-up : en tant que prospect, tester rapidement son produit minimum viable, et l’aider à en valider le concept et les fonctionnalités ; si l’essai est concluant, mettre à sa disposition une capacité d’industrialisation qu’elle n’a pas.

L’arrivée à matu­ri­té des tech­no­lo­gies d’intelligence arti­fi­cielle, de la blo­ck­chain et de la réa­li­té vir­tuelle marque ce que j’appelle de manière très ori­gi­nale le digi­tal 2.0.

Or, cette nou­velle vague tech­no­lo­gique va non seule­ment accé­lé­rer la muta­tion du B2C, mais éga­le­ment s’attaquer au B2B (ou mar­ché entre entre­prises), qui repré­sente quatre fois la taille du B2C, sous le coup de cohortes de start-ups.

LES GRANDS GROUPES DEVRONT MAÎTRISER CES TECHNOLOGIES

Or, le pro­blème des grands groupes est que l’accès à l’expertise tech­no­lo­gique leur est très dif­fi­cile : nous rece­vons par exemple régu­liè­re­ment les CV de data scien­tists qui veulent venir tra­vailler dans nos start-ups et ont refu­sé les ponts en or que leur font les entre­prises du CAC 40. 

Rien de sur­pre­nant : les experts sont rares et atti­rés par des start-ups. Quant aux start-ups consti­tuées, elles rechignent à se lier à un grand groupe, de peur d’être pha­go­cy­tées, même s’ils essaient de les atti­rer dans de beaux incubateurs. 

IL FAUT SAVOIR DÉMARRER LÉGER

La créa­tion d’un pro­duit est très sou­vent vouée à l’échec. En fait, pour inno­ver dans le digi­tal 2.0, il « suf­fit » d’identifier un pro­blème repro­duc­tible, la taille de mar­ché asso­ciée, et de voir dans quelle mesure un pro­duit s’appuyant sur les tech­no­lo­gies du digi­tal 2.0 per­met d’y répondre efficacement. 

PRODUIT MINIMUM VIABLE

Un produit minimum viable est un concept popularisé par Éric Ries, et résulte d’une stratégie de mise sur le marché rapide, pour qu’il puisse y être testé en condition réelle de marché.
C’est ainsi une version intermédiaire du produit définitif imaginé, qui comporte toutes les propriétés jugées essentielles et suffisantes pour être testée auprès des primo-utilisateurs du segment de marché visé, et recueillir leur retour d’usage.
Cette étape intermédiaire évite de complètement développer en chambre un produit qui s’avérerait in fine inadapté à son marché pour des raisons qui n’avaient pas été anticipées.

Puis, bien sûr, construire un « MVP » (mini­mum viable pro­duct ou pro­duit mini­mum viable) avec ses clients, expé­ri­men­ter, cor­ri­ger, s’adapter et recom­men­cer jusqu’à ce que le pro­duit ren­contre son marché. 

Dans la tech­no­lo­gie et le B2B, pro­duire coûte cher (déve­lop­per des pro­to­types et trou­ver des com­pé­tences rares), et accé­der au mar­ché est dif­fi­cile. De la même manière, les start-ups pour­raient, via le codé­ve­lop­pe­ment de pro­jets numé­riques avec des grands groupes, leur appor­ter leur savoir-faire et leur exper­tise, et les aider ain­si à se développer. 

Le bon modèle d’accélération doit donc répondre à la fois au besoin des start-ups et des grands groupes. 

METTRE EN PLACE UN ACCOMPAGNEMENT SUR MESURE

Pour aider une start-up tech­no­lo­gique en phase d’accélération, il faut donc d’abord lui pro­po­ser non pas une simple incu­ba­tion, mais un accom­pa­gne­ment sur mesure : at- elle besoin d’un direc­teur tech­nique ? De concep­teurs orien­tés vers la satis­fac­tion des uti­li­sa­teurs ? Ou de ren­fort sur sa stra­té­gie marketing ? 

“ La création d’un produit est le plus souvent vouée à l’échec ”

Il est plus effi­cace de lui four­nir les experts de ces domaines, et des outils de déve­lop­pe­ment déjà sur éta­gère, plu­tôt que lui faire perdre son temps à essayer de les recru­ter ou déve­lop­per, alors qu’elle n’en a pas encore les moyens. 


Google a sup­plan­té Yahoo ! en dix ans par sa capa­ci­té d’innovation.
© BENNY MARTY / SHUTTERSTOCK, INC.

Ce fai­sant, la start-up peut se concen­trer sur l’essentiel : pro­duire au plus vite son MVP pour réus­sir ou échouer plus rapi­de­ment, et rebon­dir. Il faut ensuite lui don­ner accès aux grands groupes, pour qu’elle puisse réa­li­ser avec eux des POC (proofs of concept, preuves de concept, ou démons­tra­tion de fai­sa­bi­li­té), c’est-à-dire tes­ter leur appé­tence en tant que client potentiel. 

L’accélérateur doit jouer alors ce rôle d’acteur neutre, enca­drant la mise en rela­tion. Côté grands groupes, l’accélérateur attire pré­ci­sé­ment par l’étendue d’un por­te­feuille de pro­jets et de start-ups por­tant sur les thé­ma­tiques tech­no­lo­giques recher­chées, leur offrant ain­si une véri­table « usine à POC », et leur per­met­tant de recru­ter les com­pé­tences qu’ils recherchent, sous la forme de pro­to­types aboutis. 

Le modèle éco­no­mique de l’accélérateur est alors celui d’une pla­te­forme (mar­ché biface), tirant sa valeur de la pré­sence impor­tante des deux côtés de start-ups et de grands groupes.

Commentaire

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Do-Khacrépondre
16 février 2017 à 13 h 02 min

Une pla­te­forme éprou­vée pour aider les start-ups en B2B
Bonjour,

« Les grands groupes [B2C] peuvent appor­ter (…) à une start-up [une capa­ci­té de] tes­ter rapi­de­ment son pro­duit mini­mum viable, [et] une capa­ci­té d’industrialiser ». Pour ces deux acteurs, il peut être stra­té­gi­que­ment oppor­tun de consi­dé­rer une chaîne de valeur éten­due, en intro­dui­sant un tiers que sont les grands pres­ta­taires et qui por­te­ra l’in­no­va­tion des start-ups vers les grands groupes B2C.

Voi­ci, avec les moyens numé­riques, un cas de mise en œuvre de cette chaîne de valeur éten­due, celui de la pla­te­forme des achats de l’É­tat (PLACE).

Sur ce même numé­ro : « Le numé­rique pour marier grands pres­ta­taires et PME inno­vantes »

Cordialement
Tru Do-Khac

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