DVD de l'Orchestre philarmonique d'Israël

75e anniversaire de l’Orchestre philarmonique d’Israël : CHOPIN, SAINT-SAËNS, CHAUSSON, BEETHOVEN

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°687 Septembre 2013Par : Evgeny KISSIN, piano ; Julian RACHLIN et Vadim REPIN, violon ; Zubin MEHTA, directionRédacteur : Marc DARMON (83)

Soixante-quin­zième anni­ver­saire, vous avez bien lu. L’Orchestre phil­har­mo­nique d’Israël a été créé en 1936 par le grand vio­lo­niste Bro­nis­law Huber­man, douze ans avant la pro­cla­ma­tion de l’indépendance du pays. C’est Tos­ca­ni­ni qui diri­gea le pre­mier concert, façon pour le grand chef ita­lien de mon­trer son oppo­si­tion au nazisme et au fascisme.

Cet orchestre, depuis ses débuts dans un énorme han­gar qui est le lieu de ce concert de com­mé­mo­ra­tion, a ryth­mé la vie de l’État hébreu. Huber­man avait réuni en 1936 soixante-quinze musi­ciens, de vingt-cinq ans en moyenne, des grands orchestres de toute l’Europe, de Pologne, d’Autriche, de Hon­grie, etc.

Zubin Meh­ta, né la même année que l’orchestre, est depuis trente ans chef à vie de l’ensemble. « Il a com­men­cé comme notre fils, il est désor­mais notre père », raconte un musi­cien. Meh­ta a réus­si à conser­ver dans la durée le son chaud d’Europe cen­trale, mal­gré l’afflux mas­sif de musi­ciens russes depuis vingt ans.

Les plus grands solistes ont joué ici, avec une pré­sence régu­lière de Rubin­stein, Bronf­man, Zuker­man, Isaac Stern, Baren­boïm, et natu­rel­le­ment Leo­nard Bernstein.

La superbe salle du Mann Audi­to­rium, inau­gu­rée en 1957 (avec Bern­stein, Rubin­stein et Isaac Stern), est désor­mais la rési­dence de l’orchestre, mais l’ensemble joue dans tout le pays. Depuis le début, les concerts sont tou­jours com­plets, et il n’est pas rare qu’un même pro­gramme doive être joué six fois (deux fois par ville) pour répondre à la demande. Le concert repro­duit sur ce DVD montre à la fois l’excellence de l’orchestre et la fer­veur du public.

En bonus, on décou­vri­ra un film pas­sion­nant sur l’histoire de l’orchestre. On y voit des images incroyables, comme celles du jeune Leo­nard Bern­stein diri­geant l’orchestre au kib­boutz de Beer­she­ba en 1948, trois jours après sa libé­ra­tion, ou du même Bern­stein avec Isaac Stern sur le mont Sco­pus pour célé­brer la fin de la guerre des Six Jours en 1967.

On y entend aus­si des témoi­gnages poi­gnants comme celui de ce vio­lo­niste qui se sou­vient avoir joué la Hatik­vah, l’hymne offi­ciel depuis 1933, pour Ben Gou­rion le jour de l’indépendance.

Et de celui qui se sou­vient avoir joué aus­si la Hatik­vah après six rap­pels, à la Phil­har­mo­nie de Ber­lin, « à 500 mètres du Reichs­tadt », jubile-t-il, en 1971, lors de la pre­mière tour­née dans un pays de langue allemande.

Notez qu’EuroArts publie en paral­lèle un cof­fret de sept DVD de concerts mémo­rables de l’orchestre à tra­vers les âges, avec ce concert-ci, mais aus­si le concert du soixante-dixième anni­ver­saire ou celui du soixan­tième, avec en solistes Arthur Rubin­stein, Itz­hak Perl­man, Isaac Stern, etc.

Les solistes du concert sont par­mi les meilleurs du monde aujourd’hui. Le vio­lo­niste Julian Rachlin, excep­tion­nel dans l’Intro­duc­tion et Ron­do capric­cio­so de Saint-Saëns (créa­tion en 1867 par Sara­sate), d’une jus­tesse par­faite, nous gra­ti­fie d’un mer­veilleux bis, la sara­bande de la Seconde Par­ti­ta de Bach, épu­rée et émouvante.

Dans la seconde œuvre fran­çaise du pro­gramme, le Poème de Chaus­son (1896, son œuvre la plus célèbre), Vadim Repin fait preuve d’un énorme enga­ge­ment roman­tique, l’orchestre jouant bien plus qu’un rôle de faire-valoir.

Et le Pre­mier Concer­to de Cho­pin avec Kis­sin est splen­dide, comme chaque fois qu’il l’interprète, à la fois vir­tuose et pas­sion­nant, avec un tou­cher, un sens des nuances et une clar­té magni­fiques. Et, en bis, Kis­sin joue le grand Scher­zo n° 2 de Chopin.

En seconde par­tie, la Hui­tième Sym­pho­nie de Bee­tho­ven rap­pelle la par­faite qua­li­té tech­nique de l’orchestre et quel chef enga­gé est Zubin Meh­ta, impeccable.

Un for­mi­dable témoi­gnage, un excellent concert.

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